Les passions cachées des sportives de l’équipe de France féminine de handball
La Boulangère renouvelle l’opération Le Goût du Hand pour soutenir la pratique amateure du handball féminin
Ex-sportive de haut niveau, Béatrice Barbusse est une des premières femmes à avoir présidé en France un club de handball pro masculin, tous sports Co confondus. Elle occupe, depuis 2020, le poste de vice-présidente déléguée de la fédération de Handball qu’elle conjugue avec sa carrière de sociologue du sport. Référente sur les questions de sexisme dans le sport, Béatrice Barbusse nous a accordé un entretien sur le sujet. Plongez au cœur de ce temps d’échanges.
Béatrice, considérez-vous aujourd’hui qu’il faille parler de « sport féminin » ou de « sport au féminin » ?
Dans la première édition de mon livre Du sexisme dans le sport, je commence justement par cette question-là. Je préfère parler de « sport au féminin » parce-que, selon moi, l’expression « sport féminin » pose problème. Lorsqu’il s’agit d’hommes, on ne précise pas « sport masculin ». On sait d’emblée, par exemple, que l’équipe de France de football désigne l’équipe masculine. Mais lorsqu’il s’agit des filles, on va systématiquement le préciser. Il y a une asymétrie langagière qui se fait au détriment des sportives et qui vient suggérer que le masculin est le neutre, la référence. Le neutre existe en allemand mais pas dans la langue française et notre inconscient collectif nous engage à penser que le neutre est le masculin, ce qui est réducteur. Voilà pourquoi l’expression « sport féminin » me dérange ; d’autant que, lorsqu’il s’agit d’une pratique artistique, on ne retrouve pas cette asymétrie. On ne dira jamais d’une pianiste qu’elle fait du « piano féminin ». Elle fait simplement du piano. Outre cette asymétrie, parler de « sport féminin » a comme risque de ne prendre uniquement en considération que les sportives, en excluant les entraineuses, les dirigeantes, les salariées des fédérations, l’ensemble des femmes qui font partie de l’écosystème du sport. C’est toutes ces raisons qui me font préférer l’expression « sport au féminin ».
La féminisation du sport doit-elle être une fin en soi ? Ou s’agit-il plutôt de travailler sur les conditions d’accès à la pratique sportive (amateure et professionnelle) pour les femmes ?
La féminisation ne doit absolument pas être une fin en soi : il s’agit d’un processus qui permettra à plus de femmes d’intégrer l’écosystème du sport : arbitres, sportives, dirigeantes… La fin en soi pour moi, en tant que sociologue mais aussi en tant que dirigeante, c’est l’égalité des femmes et des hommes dans le milieu sportif, à tous les niveaux. Pour y parvenir, il faut bien entendu travailler sur la question de la pratique sportive mais aussi sur les conditions dans lesquelles on accueille les femmes qu’elles soient pratiquantes ou actrices des fédérations. C’est comme ça qu’on peut espérer que l’égalité femmes-hommes puisse s’améliorer.
La parité devrait être atteinte aux prochains JO 2024 avec 50% d’athlètes femmes. Penser l’égalité femmes-hommes dans le sport implique qu’on prenne en considération des éléments quantitatifs mais aussi qualitatifs selon vous ?
Tout à fait. On ne peut pas appréhender l’égalité qu’au travers de données numériques car l’égalité se manifeste aussi d’un point de vue qualitatif. J’entends par là les conditions d’accès et de pratique du sport pour les femmes. Il ne s’agit donc pas seulement de créer une égalité mathématique parfaite entre les hommes et les femmes, mais aussi de faire en sorte que les femmes aient les mêmes possibilités que les hommes de s’engager dans le sport. Cela implique de s’intéresser à l’environnement dans lequel va se réaliser la performance sportive : les femmes vont-elles pouvoir pratiquer dans un environnement sécurisant ? Ou au contraire, vont-elles devoir subir des comportements misogynes et sexistes qui peuvent nuire à la performance et à la place des femmes dans le sport ? L’égalité passe aussi par des comportements respectueux, bienveillants, par l’équité dans le traitement des équipes et des acteurs engagés quelque soit leur sexe. Or, il est très difficile de quantifier ce type d’inégalités. Je les observe en tant que sociologue et j’ai pu, comme d’autres, les vivre aussi en tant que sportive et dirigeante. Et c’est là qu’on comprend que le chemin est encore long ! Et les discours égalitaristes ne peuvent pas se passer d’actes concrets qui viennent incarner ces discours. On constate encore trop fréquemment un fort décalage entre les discours et les comportements. Aujourd’hui, quand bien même l’égalité femmes-hommes est une évidence et fait consensus, la conscientisation n’a pas encore débouché sur de réels changements de comportement. Cela demande du temps.
Cette égalité peut-elle se manifester sur le traitement et la considération qu’on aura de la performance sportive féminine et masculine ?
Imaginons qu’il y ait une véritable égalité dans la médiatisation des sportifs et des sportives à la télévision, notamment en termes de temps d’antenne. Y aurait-il pour autant égalité dans le traitement des performances masculines et féminines ? Pas forcément, car cela dépend de la façon dont on va en parler, sous quels angles, dans le discours mais aussi à travers les images choisies pour illustrer le propos.
Par ailleurs, on constate aujourd’hui qu’apriori – même si cela n’est pas vérifié – les athlètes féminines et masculins vont être traités de la même façon par l’ANS (Agence Nationale du Sport). Mais malgré tout, j’ai fait le constat, au travers de différents entretiens, que ces droits n’étaient jamais complètement acquis pour les sportives qui doivent se battre au quotidien pour être reconnues au même titre que les hommes.
Sur un terrain plus académique, de nombreux travaux de recherche viennent aujourd’hui contribuer à améliorer la performance des sportives et sportifs. Or, j’ai découvert récemment une statistique inquiétante à ce sujet : moins de 5% des travaux de recherche sur la question de la performance sportive concernent la performance féminine. Des travaux qui peuvent, par exemple, porter sur la conséquence du cycle menstruel sur la performance sportive (la recherche française commence à s’y intéresser depuis 1 an et demi seulement), sur la problématique de la maternité mais aussi sur la question des équipements sportifs et là on observe des choses assez terribles. Un constat avait été fait sur la récurrence des croisés (rupture des ligaments croisés au niveau du genou) chez les footballeuses, plus que chez les hommes. On a voulu comprendre pourquoi les femmes se blessaient plus souvent que les hommes et des études ont révélé la responsabilité des chaussures qui avaient été conçues et fabriquées à partir de repères masculins. Or, notre physiologie est différente, donc notre posture aussi. Aujourd’hui, des initiatives émergent et des équipements adaptés aux femmes apparaissent. On pourrait multiplier les exemples. L’équipement des sportives et sportifs soulève de très nombreux enjeux d’égalité. En termes de reconnaissance de la performance des sportives : bien sûr qu’elle reste aujourd’hui bien moindre que celle des hommes. Pour faire la Une des médias quand on est une femme, il ne suffit pas de performer, il faut ultra-performer. Et on constate encore trop souvent que des articles portant sur la performance féminine vont saluer l’homme qui a permis à cette performance de s’accomplir (l’entraineur, le coach, le frère…) ou vont s’intéresser aux attraits féminins de la sportive : la maternité d’une athlète ou son attirance pour le maquillage, par exemple.
Y a-t-il une « féminisation » à deux vitesses : sport amateur vs sport de haut niveau ? (cf 38,5% des licences sportives sont délivrées à des femmes) ? Quels sont selon vous les efforts à mener pour encourager la pratique sportive amateure chez les femmes ?
Bien sûr qu’il y a une différence. Je pense qu’on avance beaucoup plus vite dans la pratique amatrice, qui a de beaux jours devant elle : avec le vélo, le running, la gym en salle privée. Il y a aujourd’hui beaucoup d’épreuves exclusivement féminines qui sont nées : Odysséa, La Parisienne… Et ce type de course aura vraiment permis de promouvoir et démocratiser le running chez les femmes en collectif, en leur permettant de s’approprier une pratique sportive libre, sans que cela soit encadré par une fédération ou un club. Pour le sport fédéral amateur, c’est plus compliqué : on a du mal à atteindre 40% de licenciées. Même si ça progresse depuis quelques années, seulement 25% des clubs sportifs amateurs sont présidés par des femmes, il s’agit du secteur d’activité social où ce pourcentage est le plus faible (en général on arrive à 33%). Or, les présidents des clubs ne sont pas tous sensibilisés à ces enjeux de féminisation. Rappelons aussi qu’on ne retrouve pas systématiquement dans tous les clubs une filière masculine et féminine. Ces deux éléments vont rendre beaucoup plus difficile la féminisation de la pratique au sein des clubs qu’en dehors.
Et pour développer à l’échelle fédérale la pratique féminine, cela demande beaucoup plus d’efforts que pour la pratique masculine. Pourquoi ? Car dès le plus jeune âge, ce sont très souvent les parents qui décident de l’activité des enfants. On constate encore aujourd’hui qu’il est plus souvent proposé aux jeunes garçons de pratiquer du sport que pour les petites filles qui vont s’orienter vers une pratique artistique ou des sports présupposés « féminins » : la danse, la gymnastique, le patinage artistique, le cheval… Le sport est depuis longtemps l’activité par excellence attribuée aux hommes et dans laquelle ils vont faire l’apprentissage de leur virilité, être un homme et le rester. Donc les clubs n’ont pas besoin d’aller chercher les garçons mais ils vont déployer des efforts plus importants pour augmenter leurs effectifs féminins. Et cela représente un coût financier que parfois les clubs font le choix de ne pas faire.
Quant au sport de haut niveau, là aussi la question financière est fondamentale et discriminante. Pour atteindre le haut niveau, il faut des moyens importants : de bons équipements, un staff en capacité d’accompagner le sportif ou la sportive sur de nombreuses problématiques, du temps, des conditions matérielles satisfaisantes. Il faut donc des salles adaptées qui peuvent générer de la billetterie. Les sportives jouent encore trop souvent dans les plus petites salles, plus petits stades, à des horaires pas toujours idéaux, qui ne permettent pas de générer autant de chiffres d’affaires que les hommes. Dans le cas du handball, on démontre le contraire, que ça soit en D1 ou avec l’équipe de France féminine, car nos salles sont remplies quelles que soient la ville et la taille de la salle. On revient à la question de la médiatisation et du sponsoring, qui vont justement permettre à la performance d’exister à un niveau professionnel. C’est essentiel.
La Boulangère est engagée auprès de l’équipe de France féminine de handball mais aussi dans la course au large avec une navigatrice ou auprès d’équipages 100% féminin : il s’agit d’un sport collectif non mixte vs sport individuel mixte, les enjeux sont différents. La mixité sur une ligne de départ ou lors d’un match est-elle une bonne chose selon vous ?
J’ai toujours été assez mal à l’aise avec cette question car le but n’est surtout pas que les femmes battent les hommes à tout prix. L’objectif est surtout d’arrêter de comparer systématiquement les deux sexes. Et au-delà de ça, je souhaite rappeler que c’est justement parce que les femmes pouvaient gagner face à des hommes dans le passé qu’on a interdit aux femmes de faire du sport, ou que des épreuves sont devenues non mixtes*. Peu importe qu’elle gagne ou non face à des hommes, l’important c’est surtout que la sportive s’épanouisse dans ce qu’elle fait. Je pense sincèrement qu’à l’avenir on retrouvera des sports devenus mixtes qui ne le sont pas aujourd’hui, et inversement sur des sports mixtes aujourd’hui. Comme on verra de plus en plus de femmes devant des hommes dans des compétitions mixtes.
Maintenant, on peut se poser la question : la sportive de haut niveau va-t-elle s’épanouir davantage quand elle est dans un sport non mixte que dans un sport mixte ? Ce qu’on peut supposer, c’est qu’à priori il est moins compliqué de s’exprimer et de s’épanouir quand on est dans un sport où on n’est pas en minorité, pour prendre confiance, se sentir en sécurité, avec de la sororité, dans un environnement où les stéréotypes n’ont pas leur place.
Vous racontez dans un entretien que le sport aura été dans votre enfance un vecteur d’émancipation très fort : doit-on considérer que le sport tient un rôle sociétal différent pour les femmes vs les hommes ?
On l’a évoqué plus tôt, le sport est l’activité par excellence réservée aux hommes qui doivent accomplir leur masculinité à travers elle. Pour les femmes, il s’agit au départ d’une activité transgressive puisque réservée à l’autre sexe, qui en plus leur permet de développer des qualités et compétences, comme le courage, la détermination, la force ; qui sont des qualités attribuées en général aux hommes, selon les stéréotypes de genre. Le jour où le sport se transformera de ce point de vue-là, la société aussi.
Comment le sport, et a fortiori le handball, ont-ils contribué à façonner la femme que vous êtes aujourd’hui ?
Le sport m’a beaucoup apporté, d’abord parce qu’il m’a évité de trainer dans la rue. Occuper les enfants reste fondamental et la pratique d’une activité physique est essentielle pour l’équilibre d’un être humain d’un point de vue psychique. Le sport m’a aussi considérablement aidé à prendre confiance en moi, à développer des compétences que je n’avais pas comme la résistance à l’effort, et ça c’est inestimable et ça m’est resté précieux toute ma vie. Même si je n’étais pas mince, mignonne, etc… je marquais. J’étais capitaine de mon équipe, leader, je progressais, je gagnais. Tout ça était réjouissant et me portais. Le sport peut être un outil au service des femmes pour prendre possession de leur corps, leur permettre de se l’approprier, qu’il soit pour soi et non plus pour les autres.
Que diriez-vous à de jeunes sportives habitées par l’ambition et la passion ?
D’y aller, de foncer ! Et de ne pas faire siennes les limitations des autres ! Si vous y croyez vraiment, donnez vous les moyens de vos ambitions, de vos rêves. Sans avoir une vision idéalisée et en sachant où on met les pieds car la réalité peut être parfois dure. Des barrières vous attendent mais vous pourrez les dépasser, les contourner, les déconstruire. Foncez les filles !!!
Propos recueillis par La Boulangère.
La Boulangère renouvelle l’opération Le Goût du Hand pour soutenir la pratique amateure du handball féminin
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Vous cherchez à pratiquer une nouvelle activité inattendue pour cette rentrée ? Nous vous avons déniché des disciplines stimulantes pour prendre soin de vous !
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L’équipage 100% féminin du Class40 La Boulangère Bio mené par la skipper Amélie Grassi a franchi hier à 16h02 la ligne d’arrivée de la Transat Québec – Saint-Malo, signant ainsi une magnifique 4e place.
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Les jours se suivent et ne se ressemblent pas à bord du Class40 La Boulangère Bio. Mené par Amélie Grassi, l’équipage 100% féminin pointe aujourd’hui en 5e position de la Transat Québec – Saint-Malo.
Lundi lors d’une manœuvre, Claudia Conti, équipière de La Boulangère Bio s’est blessée. Depuis, la jeune Italienne souffre de douleurs intenses au niveau du thorax. Suite aux recommandations médicales, Amélie Grassi, skipper du bateau, a décidé, en accord avec son partenaire, d’organiser un débarquement.
Alors que l’équipage de La Boulangère Bio entame son quatrième jour de course sur la Transat Québec – Saint-Malo, la vigilance est toujours de mise.