29 février 2024

Dans le sillage d'Amélie Riou : une quête de performance et d'harmonie

Entre deux entrainements intensifs pour préparer la sélection à la grande compétition de cet été, la skippeuse Amélie Riou nous a accordé un peu de son temps pour nous permettre de mieux comprendre d’où lui vient sa motivation sans limite pour le monde de la voile. Rencontre à cœur ouvert sur ses ambitions et ses passions !

Amélie Riou - Du temps pour soi, La Boulangère

Peux-tu nous faire un rappel de tes origines et de ton parcours sportif ?

Mes parents sont des agriculteurs du Finistère Nord, proches de la terre. J’ai conservé ce trait de personnalité tout en cultivant mon attrait pour la mer. Je porte toujours cette double casquette ! Leur soutien est, aujourd’hui encore, un de mes plus solides piliers.

Pour moi, la voile c’est une histoire de famille : j’ai commencé à 6 ans, inspirée par ma grande sœur et nos cousins. J’ai débuté dans un petit club, avec l’Optimist puis, progressivement je suis rentrée dans un parcours d’excellence, en section sport étude. C’était un parcours aménagé au lycée où j’ai pratiqué le Laser Radial. J’ai poursuivi ma pratique en Pôle France, puis en Équipe de France.

Après la préparation pour les Jeux de Rio 2016, où je n’ai pas été sélectionnée, j’ai mis en pause mes projets de voile olympique pour naviguer en Diam 24, où j’ai pu rencontrer les dirigeants du groupe La Boulangère. C’est là que j’ai fait plus de voile offshore, également avec les sélections en Figaro.

J’ai renoué avec mes aspirations olympiques en naviguant en Nacra, un catamaran à foils, avec différents barreurs. Une fracture du péroné m’a freinée dans ma démarche. J’ai eu 6 mois pour questionner mes ambitions pendant cette parenthèse. Après le Covid, j’ai décidé de repartir avec Lara sur un projet 49er FX.

Pourquoi avoir choisi le 49er FX ?

C’est un bateau très fun car plein d’instabilités ! Il demande une énorme maîtrise technique ainsi qu’une grande agilité. Le bateau me plaisait vraiment, et on y passe tant d’heures qu’il faut une notion de plaisir, une petite folie dans la pratique. C’est également le seul double féminin de la préparation pour la grande compétition 2024 et Lara avait absolument envie que notre binôme navigue sur ce bateau.

Amélie Riou et Lara Granier 49er FX - Du temps pour soi, La Boulangère

Comment as-tu rencontré Lara Granier, ta coéquipière depuis 3 ans et demi ? Est-ce que cette dernière a fait évoluer ta pratique ?

On se connaissait de vue avec Lara. Elle m’a approchée au moment des sélections du Figaro et m’a demandé si je voulais les préparer avec elle. J’étais encore en plein questionnement sur le projet des Jeux et je ne voulais pas me brûler les ailes. Lorsque je l’ai revu à Marseille, ce feeling entre nous m’a encouragée.

Nos quotidiens sont liés, nous vivons des moments très intenses ensemble, comme un couple, les bons comme les moins bons. Nous partageons des valeurs communes ce qui est essentiel pour moi : nous sommes très complémentaires.

Au début, je voyais surtout nos différences mais notre passion commune et un grain de folie nous unit. Je suis portée sur l’intensité et la charge de travail. Lara m’apporte une perspective différente sur la valeur des résultats. Elle a de la souplesse et du recul sur nos erreurs, un regard productif sur ces dernières. Lara m’a permis d’évoluer humainement, au-delà de la pratique, des gammes techniques.

Nous tirons toutes les deux des forces de notre duo. Nous apprenons l’une de l’autre en permanence. Notre binôme a gagné en maturité aujourd’hui et nous en sommes fières. On se nourrit l’une de l’autre pour en ressortir grandies.

Amélie Riou et Lara Granier - Du temps pour soi, La Boulangère

La grande compétition qui aura lieu en France en 2024 est d’une importance majeure pour les athlètes du monde entier.
Qu’est-ce qui te pousse à la préparer ?

Le simple fait d’en parler me touche bien que je ne sois pas très sentimentale ! Cela me procure une joie certaine, ce projet m’anime profondément.

Cette compétition prend toute ma vie, cela fait 3 ans et demi que Lara et moi ne vivons que pour ça. C’est dur à expliquer, j’y vais avec toutes mes tripes, toute mon âme. C’est un Graal à aller chercher et je ne compte ni mon temps, ni mon énergie.

Mon investissement dans ce projet prend 90% de mon temps mais, comme je suis souvent à 120%, je me consacre aussi à la préparation de la Women America’s Cup à Barcelone en 2024 avec Lara, ainsi que l’équipe de France Sail GP en F50 de mon côté.

Je reste cependant complètement tournée vers cette prochaine sélection ! 

À quoi ressemble une journée type en ces temps de préparation ?

Je démarre avec de la mobilité le matin, avant de prendre mon petit déjeuner et de m’entraîner à la salle : principalement du travail cardio et sur l’explosivité du haut du corps pour répondre aux exigences physiques de mon poste. Après une pause de 45 minutes, nous passons 3h30 à 4h sur l’eau avant de débriefer avec l’entraîneur. S’il n’y a pas de de réparation ou d’aléas à gérer, on passe à la récupération.

C’est très dur de couper et de récupérer de la préparation à cette compétition. Il est cependant nécessaire de le faire. Chaque geste est dirigé vers ce projet aujourd’hui, mais s’aménager du temps pour soi reste essentiel. Je maintiens l’entraînement physique mais on arrête de naviguer 5 à 6 jours pour récupérer physiquement, nerveusement, mentalement. L’envie est notre moteur, il faut la préserver. La relâche après la rigueur sert à nourrir la performance.

Entraînement Amélie Riou et Lara Granier - Du temps pour soi, La Boulangère

Pour toi, quelles sont les clés d’un entraînement à la hauteur de tes ambitions ?

Je ne suis pas dans la performance individuelle, mais je me satisfais de la performance de notre binôme. Le résultat entraîne de la satisfaction pour moi. Lara tempère, en voyant au-delà, en considérant la forme générale, la progression, la courbe d’évolution.

Qu’est-ce qui te motive particulièrement à l’idée de participer à cette grande compétition ? As-tu des aspirations particulières ?

Cette sélection, est un point d’étapes. Pour moi, c’est loin d’être une finalité. L’objectif est d’aller chercher de la haute performance et de ramener une médaille.

Au cours de ta carrière, tu as été blessée. Est-ce que cela change ta perspective sur l’entraînement, la course de manière générale ?

J’ai été habituée à avoir une énorme charge physique. C’est le problème du haut niveau, on apprend à être sollicitée très intensément et on devient addict à cet aspect.

J’ai du mal à “écouter mon corps”. Je considère que les blessures n’arrivent jamais par hasard, ce sont des sonnettes d’alarmes dans notre milieu. Je travaille dessus quotidiennement car j’ai tendance à minimiser certaines douleurs. C’est mon talon d’Achille, je travaille dessus. J’essaie de me reconnecter à mon corps mais c’est un challenge permanent.

Mon éducation était portée sur l’effort, la persistance à aller de l’avant. Je suis plus solide aujourd’hui même si je continue à me faire violence pour ne pas toujours pousser le curseur plus loin et constamment chercher le petit plus.

Amélie Riou et Lara Granier - Du temps pour soi, La Boulangère

Quelles sont pour toi les grandes figures inspirantes de la voile, celles qui t’accompagnent sur le plan d’eau ?

J’ai beaucoup suivi la carrière de Marie Riou (je précise que nous ne sommes pas de la même famille ! (rires)). Elle a remporté de nombreuses courses dont la Volvo et son parcours olympique plein d’adversité est très inspirant pour moi. Je l’idolâtre. Son profil me rappelle le mien : sanguine, aliénée par la compétition mais en même temps très relax sur l’eau. J’imagine que l’on aurait pu donner un duo intéressant mais explosif avec nos deux caractères bretons !

En dehors de la voile légère, quelle(s) activité(s) pratiques-tu pour prendre du temps pour toi ?

J’adore faire de la pâtisserie ! Mais le temps me manque. Je la fais surtout pour les autres, afin qu’ils me donnent leurs retours, leurs ressentis. C’est une activité méticuleuse où on doit respecter les process. Cela demande du temps mais j’essaie de le prendre car depuis petite j’ai toujours aimé ça !

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